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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

mercredi 6 mars 2024

Guy Savoy, 20 ans après...


Non, fidèles lecteurs, TLBCOUF n'est pas mort! Neuf mois ont passé depuis notre dernière publication. Une gestation certes longue mais ponctuée de belles adresses non commentées : un retour chez Racines à Reims, une Tâche aux Terrasses à Tournus, une Saint-Valentin aux 110 de Taillevent. En revanche, impossible de ne pas relater ce déjeuner en mode Alexandre Dumas...

Petit retour en arrière... Hiver 2004... Ma Comtesse et moi nous rendons chez Guy Savoy, notre premier 3* ensemble. Expérience non relatée car antérieure à la création de ce blog. Sachez cependant qu'elle fut mémorable et reste parmi nos plus grands souvenirs gastronomiques.
20 ans après (d'où Alex D.), je profite de l'anniversaire de ma Comtesse pour retourner ensemble chez celui qui est toujours son chef préféré, en mode nostalgie, non plus rue Troyon mais à l'Hôtel de la Monnaie. Changement d'échelle, de glamour, avec ces petits salons avec vue sur la Seine mais pas de décor, sobrement noir et agrémenté d’œuvres contemporaines.
Ce qui ne change pas non plus, c'est Monsieur Guy Savoy. Accueillant, bienveillant et d'une assurance à tout épreuve. Mais nous y reviendrons... Passons plutôt aux choses sérieuses.
Soupe à l'oignon

Malgré les températures clémentes, nous sommes encore en hiver et rien n'est plus réconfortant en hiver qu'une bonne soupe à l'oignon. Ici, elle se boit à la paille, accompagnée d'une tartelette à l'oignon grillé et d'une chips d'oignon croustillante. De quoi se mettre dans d'excellentes dispositions.
Caviar de Sologne et lentilles


Caviar de Sologne, gelée de lentilles et crème de caviar. Textures moelleuses et notes terriennes. Très bel accord.

Le menu du déjeuner appelle clairement un vin blanc. C'est pourquoi nous nous laisser guider vers "un vin de vigneron pour vignerons", dixit Sylvain Nicolas, le chef-sommelier, le Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Fairendes 2015 d'Henri Germain. Le vin que les vignerons choisissent pour eux au restaurant. Un équilibre parfait entre gras et acidité, un chardonnay de grande classe, encore légèrement marqué par le bois. Très Bien
La coquille qui croustille, champignon de cave, "jus tradi"

"Saint-Jacques juste tiédies, les barbes dans la sauce au champagne, champignons et corail croustillant". Les coquilles sont cuites à la nacre, entre cru et cuit. Une entrée comme un coussin moelleux, avec une sauce gouteuse et relevée par l'acidité du champagne et la verdeur des épinards. Le corail, séché et moulé en forme de coquille, apporte une note croustillante sous la dent. Entrée classique dans l'idée, somptueuse dans l'exécution.
Le Chassagne joue le rôle d'exhausteur et renforce le gout de la Saint-Jacques.
Colors of caviars, sabayon fumé dans l’œuf

"Crème au caviar, vinaigrette au caviar, purée de chou vert frisé et épinards avec caviars Shadi et Baeri, sabayon au beurre et sel fumé". Partons du fond : Vinaigrette et crème au caviar Baeri, purée de chou et épinards, sabayon au caviar Shadi. Dans la coquille d’œuf, le même sabayon. Là encore, du moelleux plutôt riche relevé par l'acidité de la vinaigrette. Du caviar à déguster à la cuillère...
Homard "cruit" sur le corail, "crousti carotte-homard"

"Homard « mi-cru mi-cuit » cuit dans son jus, lié à la pulpe de carottes des sables. Condiment coraillé, pané de coudes de homard croustillants. Carottes fanes cuites dans la carotène. Tuiles carotte et homard". Un plat qui, au delà de l'accord de couleur, s'affirme comme une évidence. La finesse du homard, cuit à l'huile de homard, s'accorde parfaitement avec la douceur de la carotte, cuite au jus de homard, et réciproquement. Encore un exemple de plat faussement simple.
L'accord avec le chassagne est magique, les deux se répondent avec grâce en une persistance aromatique à la finale interminable. Un de ces accords mets-vins parfaits dont on rêve...
Soupe d'artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée aux champignons et truffes





ZE soupe, la sousoupe de ma Comtesse, le plat signature de Guy Savoy qui, partant d'un produit simple, devient superlatif tout en étant extrêmement régressif. La brioche arrive tartinée de mousse de beurre à la truffe. L'idée est d'émietter la brioche pour la tremper dans la soupe et de manger avec les doigts. Aussitôt dit, aussitôt fait... Sans conteste, cette soupe est encore meilleure que dans notre souvenir.







Et quand il n'y en a plus...
Pintade à la mode d'hiver, sauce Albufera

"Pintade pochée entière, riz pilaf à la truffe, chou farci de légumes, sauce Albufera". Là encore, une recette classique avec des produits simples (pintade fermière, riz, chou, légumes d'hiver) mais sublimée par la truffe, le foie gras et une exécution parfaite.
Canard Vasco de Gama, fruit et légume d'hiver

"Filet de canard cuit lentement aux épices, fleurs de navet et pommes. Une caillette des cuisses de canard et navet. Jus aux épices". Mon caprice hors du menu du déjeuner. Avec la cuisson lente, la chair a gardé une teinte sanguine et du moelleux. l'équilibre avec les épices est remarquable. C'est un plat d'une grande justesse.
Concombre, pamplemousse, aloé vera

Un gel d'aloé vera, une mousse pamplemousse et un sorbet concombre. Fraicheur, fraicheur, fraicheur. De quoi se remettre le palais en condition pour le(s) dessert(s)...
Purement chocolat comme une tarte

"Dessert tout chocolat : en tarte soufflée sans fond et tuiles croustillantes, en glace et émulsion tiède, en sauce et râpée". Amateurs de chocolat, ce dessert vous comblerait. Toutes les textures et toutes les températures sont là. On pourrait croire que c'est too much, mais une fois gouté, on ne peut s’empêcher d'y retourner.


Vous pensiez que le repas est terminé... ?
Chariot des glaces, sorbets, les bocaux et biscuits d'autrefois




"Glaces et sorbets, riz au lait, crème caramel, mousse au chocolat, flan aux fruits, diamants, macarons, guimauves, langues de chat et tartes". Comment ne pas trouver un petit supplément d'appétit pour profiter de ce chariot des délices ?? Je vous recommande en particulier le sorbet orange sanguine et la guimauve chartreuse... Quant à ma Comtesse, anniversaire oblige, une glace vanille illuminée...



Pendant que ma Comtesse termine sur une note caféinée "surprise" (la mignardise est cachée sous la tasse), je découvre avec délice l'Eau de vie de marc du Clos des Goisses de la Maison Philipponnat. Vous n'ignorez pas, fidèles lecteurs, la qualité de ce Clos, cuvée de prestige de la maison. En revanche, vous n'êtes peut-être pas au courant que ce marc est distillé en Italie. Gustativement, il s'agit donc plus d'une grappa que d'un Marc de Champagne. Qu'importe, le résultat est une merveille de finesse et d'élégance.




20 ans après... Une nouvelle expérience gustative d'exception, tout aussi marquante que la première, si ce n'est plus. Des plats lisibles, qui parlent au cœur et à l'estomac, vous plongeant dans un état de sérénité très confortable qu'on voudrait prolonger à l'infini. Le temps passe mais Guy Savoy reste.
Malheureusement, un guide, soit-disant de référence, lui a retiré son troisième macaron. Décision incompréhensible car (et nous l'avons vérifié) Guy Savoy est plus que jamais au sommet du panthéon des chefs de ma Comtesse. Sans conteste, une des très grandes figures et une des très belles cuisines de la gastronomie française. Et merde au guide du pneu !!

François

jeudi 13 juillet 2023

L'Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse


Last but not least...

Enfin !

Après une (trop) longue attente, nous pouvons enfin nous enfoncer au cœur des Corbières et toucher du doigt et des papilles la légendaire cuisine du non moins légendaire Gilles Goujon. Meilleur Ouvrier de France, couronné de 3 macarons pneumatiques, sa réputation n'est plus à faire. Et pourtant, elle se mérite cette visite car Fontjoncouse ne se trouve pas à la croisée des autoroutes. Une route (très) étroite serpente dans un paysage de rochers escarpés. Un chemin qui incite fortement à passer la nuit sur place. Ce que nous allons faire naturellement.

Et avec ça, vous prendrez bien une petite terrasse... à proximité de la piscine...

Après quelques longueurs dans une eau à température ambiante (30°), il est temps de nous reposer un peu et de nous préparer pour le diner.
Tous les convives se retrouvent en terrasse pour prendre l'apéritif et choisir son menu.
Au premier plan, à gauche, une bulle de pain soufflée à la crème de truffe. En haut, une crème de biju (autre nom du violet). A droite, une tarte de champignons, opaline et noisette. En bas, dans un cannelloni de pain de mie, une tielle sétoise.

Ma Comtesse part dans les agrumes avec un Gin Tonic composé du Gin "Collection de bigarades" de la Distillerie du Petit Grain et du Tonic Archibald à la gentiane et baie de genièvre.

Pour ma part, je prends un verre de Carignan blanc "C1617" des Vins d'Aristide Larrieu. Une bouche vive, droite et ample, avec une belle amertume.


Pour le diner, nous faisons le choix du menu surprise intitulé "Air de fête en Corbières" pour lequel j'ai, une fois n'est pas coutume, fait le choix du vin en amont. Mais nous en reparlerons...
L'Huitre

Une huitre Tabouriech d'un calibre spécialement sélectionné pour Gilles Goujon qui recouvre un tartare d'huitre, elle-même recouverte d'oyster leaf, d'une gelée d'eau de mer et d'une perle de fumée de bois de hêtre. C'est l'accord de cette fumée et de l'huitre qui rend cet amuse-bouche extraordinaire.
Hommage à Roger Vergé

Roger Vergé, illustre chef du Moulin de Mougins et mentor de Gilles Goujon, inventa le poupeton ou fleur de courgette farcie qui fit sa renommée. Pour lui rendre hommage, Gilles Goujon a interprété ce plat à sa façon en associant la courgette et le homard en carpaccio, en tartare avec légumes et mangue et, surmontant le tout, un sorbet de homard dans sa cage ouverte de fleur de courgette cristallisée. L'assaisonnement est une vinaigrette au homard. C'est une merveille de technique de MOF, aussi belle que bonne. La douceur de la courgette et de la chair de homard est relevée par la saveur puissante du sorbet et l'acidité de la vinaigrette. Je ne saurais dire si l'élève a égalé, voire dépassé, le maitre car je n'ai pas eu la chance de gouter la recette de Roger Vergé. Néanmoins la tentation est grande.
La langoustine

Allergie oblige, ma Comtesse déguste la langoustine en kadaïf servie sur un socle de semoule et coriandre dans un jus épicé. Ce plat, hérité des souvenirs magrébins de Gilles Goujon, est accompagné (au second plan) d'un tube de Mon Harissa, condiment épicé maison. Ce dernier exhale plus le gout du piment que son piquant. Un plat tout à fait dépaysant.
L’œuf de poule « Carrus » pourri de truffes mélanosporum
Acte I
Acte II
Acte III

Acte I : l’œuf nu sur une purée de champignons et truffes.
Acte II : le sabayon truffé.
Acte III : la truffe râpée.
La surprise de ce plat, riche en saveurs, est le contenu de l’œuf, farci de sauce truffé. Autre surprise, comment trouver de la melanosporum en cette saison? La réponse est simple : en Tasmanie. Certes, le bilan carbone n'est pas excellent mais l'authenticité du plat est à ce prix. Un plat superlatif mais follement addictif.
Pour alléger (autant que faire ce peut) le palais, le plat est accompagné d'une briochine tiède, elle aussi truffée, et d'un cappuccino de jus de champignons à boire.
Le filet de rouget barbet, pomme bonne bouche fourrée d’une brandade à la cébette en « bullinada », rouille au safran
Prologue
Action
Épilogue

Prologue : Tout est en place...
Action : le bouillon de rouget est versé sur la rouille.
Épilogue... une version simplifiée (mais 3*) de bouillabaisse, très gouteuse et très safranée. Cuisson parfaite du rouget, très bel équilibre entre safran et bouillon très peu salé. Faussement simple et très efficace.
Le veau

Il est simplement rôti et d'une grande tendreté. A ses côtés, une chartreuse de haricots verts aux cèpes poêlés en blanquette et un jus de veau à la nepita.

Après un superbe chariot de fromages, nous passons au dessert.
Le vrai faux citron de Menton


Dans une coque en sucre délicatement cassant, se trouvent un sorbet citrus bergamote et kumquat du Japon confit du Mas Bachès, une crème légère thym citron et une meringue croustillante. Une superbe déclinaison, fraiche et légère.

Notre menu n'aurait pas été complet sans une bouteille de vin. Dans la bible de l'établissement, j'ai trouvé une bouteille rare sur les cartes de restaurant : le Vin de France "La Carrée" 2013 de Henri Milan, 100% Roussanne. Un nez expressif et complexe qui va évoluer au fil de la soirée. Une bouche mature très équilibrée, harmonieuse, avec une belle évolution et un beau boisé. Un vin assez versatile pour se montrer à l'aise avec les notes boisées de l’œuf truffé, le safran du rouget et la nepita du veau. Excellent.

Il est temps de passer au salon...




Sous la collection de chartreuses, nous prenons une infusion digestive pour accompagner les mignardises.

Finalement, l'occasion est trop belle...




Je me laisse tenter par une Chartreuse verte de Voiron, période 56-64.

C'est une découverte pour moi. L'âge a donné des arômes inédits à l'habituelle liqueur verte : datte et figue séchée qui donnent à la bouche une structure un peu plus visqueuse pour ne pas dire liquoreuse. Je manque de repères pour la noter mais c'est tout de même un digestif plaisant pour finir la soirée.




Toujours dans l'idée de la découverte, j'exprime le souhait de faire découvrir une liqueur à ma Comtesse... à l'aveugle.

C'est également une découverte pour moi que cette liqueur de tomates de la Distillerie Cazottes. Évidemment, c'est loin de tout ce que nous avons déjà pu gouter mais c'est très intéressant.








Chaque 3* propose une expérience unique et celle proposée par Gilles Goujon est parmi les plus marquantes que nous ayons connues. Le lieu, l’hôtellerie, le service et bien évidemment la cuisine, tout est parfait et digne d'un tel niveau. Une fois de plus, nous regrettons que nous en soyons aussi éloignés. Pour une fois, nous sommes en accord avec la guide du pneu : l'Auberge du Vieux Puits mérite le voyage.


François



Post-scriptum : Le lendemain, sur notre terrasse privée...

J'aurais bien repris du cassoulet (cf. la petite cocotte rouge)..

A bientôt chef !!

L'Abbaye de Fontfroide


Il est temps de repartir vers le Nord... mais pas sans faire quelques arrêts en chemin.
Et donc, aux alentours de Narbonne, nous faisons halte à l'Abbaye de Fontfroide.

L'originalité de cette abbaye est de mélanger des bâtiments religieux du moyen-âge et d'autres Renaissance plutôt éloignés de la règle de Saint Benoit. Ils forment cependant un ensemble fort majestueux et très bien restauré.
Pour notre plus grande chance, les touristes sont aux abonnés absents et nous pouvons visiter les lieux en toute quiétude, dans l'atmosphère silencieuse des moines cisterciens. Aux cigales près... malgré un vent puissant, la chaleur est là et nous sommes en alerte incendie. Promenade dans les bois environnants interdite. Et donc les cigales s'en donnent à cœur joie. Et, ô miracle, nous en surprenons une en pleine migration sur un tronc d'olivier.

La visite commence par le réfectoire, remanié par les propriétaires actuels qui ont ménagé de nouvelles ouvertures pour y apporter de la lumière.

Nous continuons par la majestueuse cour d'honneur, typiquement Renaissance avec ses frontons et ses fenêtres à meneaux.

La chaleur écrasante nous renvoie très vite à l'intérieur, dans un couloir mystérieux qui dessert les parties moyenâgeuses et celles du 16ème siècle.

Nous nous dirigeons vers l'abbatiale en passant par le cloitre.

Retour vers le cloitre et la salle capitulaire aux gracieuses colonnes.
Le dortoir

Le cellier

Passons aux jardins...
Au détour des frondaisons, nous quittons un instant une abbaye pour Versailles...


Sans conteste, Fontfroide mérite une visite. Et si vous avez la chance d'y être en dehors d"une période d'alerte incendie, vous pourrez monter jusqu'à la croix qui domine la vallée pour un point de vue unique sur l'abbaye et les Corbières.



François